* JESUS REVIENT *

« Qu’il se charge chaque jour de sa croix. »

(Luc 9.23)

De toutes les paroles du Nouveau Testament que nous avons atténuées, affadies, il en est peu dont nous ayons davantage abusé que de celle-ci. Couramment tu entendras de braves gens- par exemple une dame qui a un enfant turbulent, ou bien un camarade que son travail ennuie – dire en levant les yeux au ciel : « quelle croix ! » Ils se figurent vraiment, parce qu’un petit obstacle traverse de temps en temps leur fantaisie, qu’ils se sont « chargés de leur croix, et qu’ils Le suivent » !

Leur crime, c’est d’adapter l’Évangile au train-train de leur vie, de « mettre Jésus à leur sauce », au lieu d’avouer franchement qu’il exige trop d’eux.

On offenserait moins le Maître en repoussant nettement ses appels qu’en lui disant : « Tu vois, je t’obéis ! Je marche sur tes traces ! Moi aussi je porte ma croix ! » Ça, c’est se moquer de lui.

Quand le Maître disait : « porter sa croix », il évoquait une image précise : l’horrible et suprême humiliation des esclaves condamnés à mort. A Rome, l’insulte dont on cinglait un esclave, c’était « furcifer », « porteur de croix », comme qui dirait : « gibier de potence ». Pour expliquer à ses disciples ce que c’était que « renoncer », jusqu’où cela devait aller, Jésus parle des dernières avanies qu’on inflige à la dernière classe d’hommes.

« Renoncer à toi-même », c’est être prêt à descendre « au plus bas de l’échelle », à devenir l’objet du mépris général, à mourir piteusement, honteusement, en entendant dire autour de soi : « bon débarras pour la société ! »

Voilà ce qui serait « suivre le Maître » ; voilà ce qui serait « se charger de sa croix ! » et non pas notre façon d’assaisonner d’un peu de poésie évangélique nos vies sans secousses !

Il vaut mieux le savoir : ce n’est pas du tout facile d’être chrétien.