Un peu de paix, c'est déjà beaucoup ( Charles Nicolas )
Nous nous souvenons de la devise des Vaudois, au XIIème siècle :
Lux lucet in tenebris – La lumière luit dans les ténèbres
Nous nous souvenons aussi de la devise des Réformateurs au XVIème siècle :
Post tenebras lux ! - Après les ténèbres, la lumière !
Ces deux devises soulignent deux aspects différents de la réalité sans se contredire. Dans les deux cas, la lumière et les ténèbres sont mentionnées : de manière concomitante pour les Vaudois (en même temps) ; de manière successive pour les Réformateurs (l'une après l'autre). Un jour, il n'y aura plus que la lumière (Ap 22.5). Mais pour ce qui concerne le temps présent, il y a bien les deux.
La devise des Vaudois reprend les paroles même de Jean dans le Prologue de son Évangile (Jn 1.5a). Cette parole est tout à la fois extraordinairement pessimiste (les ténèbres envahissent tout) et extraordinairement positive : envahissantes, les ténèbres ne sont pas totales, car un peu de lumière suffit à les dissiper.
Un peu de paix, c'est déjà beaucoup !
La même pensée est présente au travers des Béatitudes (Mt 5.1-12). Comme pour toutes les prophéties de l’Écriture, chaque Béatitude annonce un exaucement immédiat (Heureux maintenant !) et un exaucement différé (avec le verbe au futur : ils seront consolés). Le futur peut indiquer un avenir proche ou lointain (dans une heure ou dans 10 ans), dans le temps présent (avant ma mort) ou dans le temps à venir (après la résurrection).
Des croyants de l'Ancienne alliance, l'épître aux Hébreux dit : "C'est dans la foi qu'ils sont tous morts, sans avoir obtenu les choses promises ; mais ils les ont vues et saluées de loin, reconnaissant qu'ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre" (Hé 11.13). Abraham n'a pas pu voir Jésus ; pourtant Jésus peut dire : "Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu'il verrait mon jour: il l'a vu, et il s'est réjoui" (Jn 8.56). Dans cette parole de Jésus, le futur et le présent se mêlent, car ce qui va s'accomplir plus tard a déjà son commencement tout de suite.
Un peu de paix, c'est déjà beaucoup.
Cela est exactement l'espérance, tout à la fois proche et distincte de la foi. "L'espérance est une ancre de l'âme, sûre et solide, qui pénètre au-delà du voile" (Hé 6.19). C'est-à-dire qu'alors même que les flots sont encore agités, l'espérance ancre notre vie là où il n'y a plus d'agitation. C'est pourquoi Paul et Silas pouvaient chanter les louanges de Dieu alors même qu'ils étaient enchaînés au fond d'un cachot : la réalité à venir était pour eux plus sûre que la réalité présente. Leur foi ne dépendait pas de ce qu'ils voyaient ; elle était nourrie par l'espérance. Or, "l'espérance ne trompe pas parce que l'amour de Dieu est versé dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné" (Ro 5.5).
Nous parlons volontiers de la foi ; nous négligeons la dimension de l'espérance. La foi reçoit maintenant ce que Dieu veut donner maintenant ; l'espérance reçoit maintenant ce que Dieu tient en réserve pour demain. Il ne faut pas confondre. Les deux sont nécessaires.
Ainsi, par la foi, Jésus peut dire que "sa joie est parfaite" (Jn 17.13). En même temps, nous savons qu'il a été un homme de douleur, un serviteur souffrant. Nous savons aussi qu'il a accepté la souffrance "en vue de la joie qui lui était réservée" (Hé 12.2). Cela, c'était son espérance.
Un peu de joie, c'est déjà beaucoup !
De même, Paul qui dit que nous devons toujours nous réjouir dans le Seigneur avoue que cependant "la mort est un gain. J'ai le désir de m'en aller et d'être avec Christ, ce qui de beaucoup est le meilleur" (Ph 1.21-23).
Jean conjugue aussi le présent et le futur d'une manière réaliste et instructive. "Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu ; et ce que nous sommes n'a pas encore été manifesté ; mais nous savons que lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. Quiconque a cette espérance en lui se purifie comme lui-même est pur" (1 Jn 3.2-3).
L'apôtre Paul reprend lui aussi ce thème du déjà et du pas encore : "Car c'est en espérance que nous sommes sauvés. Or, l'espérance qu'on voit n'est plus espérance : ce qu'on voit, peut-on l'espérer encore ? Maissi nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec persévérance" (Ro 8.24-25).
Un peu de paix, c'est déjà beaucoup.
C'est là le principe des prémices : quelques cerises ou quelques grains de blé ont exactement la même saveur que la récolte tout entière. Quand Jésus dit : Je vous donne ma paix, il ne ment pas. Mais ce n'est pas toute la paix à laquelle nous aspirons. C'est un peu de sa paix, qui est véritable, établie sur la réconciliation avec son Père. Si c'était toute la paix, le Saint-Esprit ne serait pas appelé le Consolateur...
Un peu de paix, c'est déjà beaucoup.
Ainsi en est-il pour nos corps. Ils sont semés corruptibles ; ils ressusciteront incorruptibles. Les corps incorruptibles, c'est pour plus tard ! Mais dans nos corps corruptibles, sujets à beaucoup de maux, le Saint-Esprit nous rappelle la vérité éternelle de Dieu, son amour parfait en Jésus-Christ. C'est l'héritage qui ne se corrompt pas.
Un peu de paix, c'est déjà beaucoup.
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