Juger inconsidérément son prochain, en pensée ou en paroles, est une faute associée à notre nature humaine: c’est pourquoi personne ne peut se vanter de ne l’avoir jamais commise. Le germe d’un tel péché est dans tous les hommes, même s’il ne se développe pas de la même façon dans tous. Condamner ses frères sans réflexion, c’est ce qu’on fait dès qu’on est capable de penser, et on le fait souvent au cours d’une journée […].

Tout jugement n’est pas condamnable. Ainsi, le magistrat appelé à se prononcer sur la culpabilité d’un accusé, peut légitimement remplir ce ministère, important pour la société. Les faits sur lesquels il doit se prononcer sont des faits matériels, palpables, à la portée du regard humain. En condamnant un coupable, il ne fait qu’appliquer une mesure conforme aux règles de la société. Il ne juge pas l’homme en lui-même, il n’apprécie pas sa valeur morale, il ne se met, sous ce rapport, ni au-dessus, ni au-dessous de personne […].

Quel est maintenant le jugement qui nous est interdit? Nous pouvons l’apprendre du contexte de ces versets. Il est question de quelques chrétiens encore faibles dans la foi […] qui étaient devenus l’objet de jugements hâtifs et peu charitables de la part de plusieurs autres chrétiens, alors qu’ils étaient, les uns et les autres, l’objet de la même grâce de Dieu. Cela était d’autant plus grave que les sujets à propos desquels s’exerçaient les jugements ne portaient pas sur des problèmes fondamentaux […].

Oui, c’est Dieu qui jugera tous les hommes: nos frères et nous qui les jugeons. Tout me rappelle que j’ai besoin de miséricorde, que je ne puis subsister sans elle. J’ai eu besoin de la miséricorde divine pour que mes péchés soient effacés, j’en ai encore besoin pour ma vie de tous les jours. Et je dois avoir la même miséricorde à l’égard de mes frères.

D’après Alexandre Vinet