LA PRIERE INTIME ( PAR JACQUES-DANIEL ROCHAT )
Laisse-moi t’entendre prier et je te dirai qui est Dieu pour toi.
La prière: un reflet du cœur
Bien qu’il soit tout à fait juste de partager nos besoins, nos sentiments et notre louange avec Dieu, la prière dépasse largement le fait de dire ou de demander.
Dans la Bible, les prières les plus précieuses sont toujours l’expression de l’intime communion entre des hommes et Dieu. Par exemple, certains psaumes offrent un indiscret voyage dans les sentiments et l’âme du roi David. Sans ces chants de prière, les aspirations de son cœur seraient inaccessibles et perdues.
Encore plus intenses, les prières de Jésus nous offrent de multiples occasions de mesurer le lien affectif existant à l’intérieur de Dieu, entre le Fils et le Père. Mesurons le privilège extraordinaire que Dieu nous accorde en nous laissant suivre au fil des Évangiles, l’intime communion de Jésus, dans ses détresses, ses joies et ses combats.
Comme le montrent ces exemples, la prière touche les parties les plus profondes de notre vie. Prier, c’est ouvrir la porte la plus secrète de notre cœur. Pour développer cet aspect, Jésus nous recommande même de vivre la prière d’abord dans un cadre d’intimité avec lui. « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. »
Combattre le superficiel
Dans le cadre d’un groupe, partager une prière de cœur profonde et authentique n’est pas une chose facile à vivre car, malheureusement, nous sommes vite entraînés dans un chemin de superficialité et d’habitudes.
Pour discerner et émonder ces mauvaises pratiques, débusquons les ornières qui dévient notre prière.
1. La prière d’apparat
Pour éviter de trop s’engager ou par timidité, la tentation est grande d’user de ces belles prières à la mode dans notre communauté; leurs abondantes formules « évangéliques » leur donnent un air de valeurs sûres…
Ne rions pas; beaucoup de groupes sont construits sur ce type de prières, somme toute sécurisantes. Avec l’habitude, le groupe devient vite un club qui s’enferme dans un style agréé « officiellement » par le groupe.
– Tiens ça devrait bientôt être à moi, ensuite ce sera la sœur Hélène et nous finirons sûrement avec Marcel…
À la longue, plus personne ne trouve la moindre joie à ces rencontres superficielles.
2. La prière d’information
– Seigneur sais-tu que… je pense… il faudrait que tu…
Pour certains, la prière est l’occasion de décrire des sujets par le menu en montrant à Dieu par a+b la meilleure façon d’intervenir. C’est la prière des journalistes du Seigneur. Bien que prier avec des informations et pour des choses précises soit excellent, nous sommes rapidement entraînés à faire une liste de propositions pour montrer à Dieu ce qu’il gagnerait en nous écoutant. Avec de telles requêtes, la prière communautaire devient progressivement une récolte de problèmes et de solutions lancés à tout vent.
Dans le même registre, nous trouvons aussi la prière conseillère qui subtilement consiste à chuchoter à son frère une parole qu’on n’ose pas lui dire en face:
– Seigneur, je prie pour mon frère qui devrait vraiment comprendre que…, montre-lui qu’il doit plutôt…
À bien y regarder, le « Seigneur » et l’ »Amen » final sont inutiles. Pour vivre des relations saines, mieux vaut parler directement à l’autre sans user du couvert de la prière.
3. La prière marchandage
Jacob est certainement un de ceux qui a le plus développé la prière commerciale avec Dieu« Seigneur » je te donnerai la dîme de tout ce que tu me donneras. » Remarquons pourtant que même en désirant ardemment la bénédiction divine, Jacob reconnaît que Dieu seul peut en décider la mesure. Nos prières n’ont pas toujours ce respect, car nous inversons facilement les rôles.
Qui de nous ne s’est pas surpris à considérer le temps, les efforts, les sacrifices mis dans la prière comme des acomptes sur les exaucements à venir. Non, soulignons-le, la prière n’est pas une balance que l’on remplit à force de temps ou de paroles. Jésus compare même cette pratique à celle des païens « qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. » Ne méprisons donc pas le Dieu d’amour et évitons toute tentation de calculer ce que Dieu nous doit. Du reste… il ne nous doit rien!
Nous pourrions continuer à décrire les déformations qui nous entraînent à prier de façon superficielle, mais la question n’est pas là. Comment grandir dans l’exercice de la prière, non en quantité, mais sur le plan de son intensité?)
L’écoute: une base pour prier
En observant les distorsions qui touchent nos prières, on remarque rapidement qu’elles manquent toutes d’une denrée très précieuse: l’écoute.
Pour entrer dans une dimension de prière renouvelée, nous devons apprendre à intégrer trois dimensions de cette écoute dans notre relation avec Dieu.
1. L’écoute de Dieu
La première écoute nécessaire à la prière est celle qui nous met en relation avec la pensée de Dieu. Car contrairement à la pratique païenne qui cherche à obtenir de Dieu son attention, la prière chrétienne prend racine sur la bonté et la sagesse de Dieu. Il est donc inutile de le convaincre du bien-fondé de notre demande ou de marchander un exaucement à force de paroles. Au contraire, la démarche que nous désirons vivre est de permettre à Dieu d’accomplir sa volonté, selon cette célèbre parole: « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »
Prier demande donc de percevoir le vouloir du Seigneur dans les situations qui nous environnent. C’est une collaboration « familiale » avec Dieu dans laquelle nous désirons ardemment la volonté qu’il nous donne de connaître.
Pour vivre cette écoute, nous devons chercher à accueillir le Saint-Esprit parmi nous. Pratiquement, lire et partager un texte biblique est un excellent moyen d’implanter notre prière dans la révélation divine, car rappelons-le, la Parole qui est l’épée de l’Esprit, mérite une grande part au milieu de nous. Cette attitude de respect envers ce que donne l’Esprit est aussi valable à l’égard des paroles inspirées de révélation ou de sagesse qui sont données dans le groupe ou l’église. Au lieu de vite passer à un autre sujet, nous devrions rester à l’écoute et continuer de prier dans la ligne de l’interpellation divine.
Remarquons aussi que l’écoute de Dieu apporte à la prière la précieuse denrée nécessaire à son exaucement: la foi. « La foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend vient de la parole de Dieu. » Sans l’écoute, la promesse de déplacer des montagnes par notre foi ne peut se réaliser, ce seraient même plutôt les montagnes (les sujets de prières) qui nous déplaceraient.
Cette redoutable inversion se produit lorsque, par exemple, je prie pour un malade en mettant toutes mes attentes dans la guérison, alors que Dieu m’appelle à les mettre en lui. Cette nuance est importante. Elle explique pourquoi de nombreux chrétiens, après avoir prié, repartent déçus ou mêmes fâchés de n’avoir pas reçu la réponse qu’ils attendaient. En mettant le Seigneur au centre par l’écoute, nous n’attendons pas premièrement le miracle,
mais Sa présence …
Cette attitude est moins crispante et beaucoup plus efficace. Elle nous centre sur Jésus et nous ouvre à la réponse qu’il veut donner.
2. L’écoute de soi
Il peut paraître étonnant de mettre l’écoute intérieure comme la deuxième clé capable de renouveler notre prière. Pourtant, dans la recherche d’une expression intime avec Dieu, notre état personnel joue un rôle considérable. En déversant les sentiments de notre cœur dans la prière, nous laissons Dieu agir dans les parties les plus secrètes de nos vies. Par exemple, à la place de demander hypocritement et en grinçant des dents que le Seigneur bénisse une personne que nous n’aimons pas, il vaut mieux avouer honnêtement qu’on a envie de l’étrangler… !
Cette authenticité peut paraître surprenante, elle est pourtant pratique courante chez les hommes de la Bible qui ne cherchaient pas à masquer leur cœur devant Dieu. En dévoilant nos pensées, nous faisons de notre prière un cri du cœur qui aspire à être comblé et transformé par son Esprit. Peu à peu, cette transformation de notre être intérieur permettra aux pensées divines de remplacer nos conceptions humaines.
3. L’écoute des autres
Dans le cadre d’un groupe de prière, la diversité des participants est une mine d’or que nous pouvons exploiter en nous écoutant les uns les autres. Cette mise en commun devrait permettre à chacun de prier selon son appel afin qu’au sein du corps de Christ rassemblé, le cœur de Dieu parle. Ainsi, pour un même sujet, l’éclairage de chacun mettra en lumière une partie de la volonté de Dieu. L’un exprimera la passion pour le salut, une personne au cœur de berger sera plus sensible aux souffrances humaines, un autre aura une parole de sagesse, une révélation, une proposition d’action, une parole de foi, d’autorité, etc.
Pour autant que chacun écoute le mouvement de l’Esprit, les rencontres de prière peuvent devenir des sources inépuisables de richesses spirituelles. Car plus nous prendrons connaissance de la volonté de Dieu, plus nous la désirerons. Désirer cette volonté de tout son cœur et l’exprimer, c’est cela la vraie prière.
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